03 марта 2012

"Comme une dramaturgie"

Christophe Lamfalussy, La Libre Belgique

L’équipe de Poutine atelle bien géré sa campagne électorale? A Moscou, “La Libre” a posé la question au consultant Viktor Gaft, fondateur, en 1989, de l’une des premières agences de communication à l’occidentale dans le pays. ImageContact (ICCG) s’est par la suite illustrée en organisant la campagne de Boris Eltsine en 1996, et celle de nombreux candidats dans le reste du pays, en Géorgie et en Ukraine. Sous le règne de Poutine, la société a connu une baisse de régime. Elle n’intervient pas dans la campagne présidentielle actuelle, sinon au niveau des municipals qui ont lieu parallèlement ce dimanche. Elle emploie une centaine de personnes.

Originaire de Novossibirsk, une ville de Sibérie, Viktor Gaft travaille à Moscou depuis 17 ans. Il voue un grand respect à la Belgique. Il a fait son premier et unique voyage en Belgique en 1987, lors d’un échange entre jeunes communistes. Les deux semaines passées dans notre pays lui ont permis de découvrir le pluralisme politique et d’en apprendre plus, ditil, sur l’histoire de l’URSS qu’en des années de cours à l’école soviétique.

Viktor Gaft, comment jugez-vous la campagne de Vladimir Poutine?

En tant qu’électeur, je n’aime pas du tout cette campagne, je l’exècre. Elle est méprisante envers les citoyens. C’est pour cela qu’il y a eu tant de protestations. Ce ne sont pas les fraudes qui ont fait réagir les gens. Il n’y en a pas eu plus qu’avant. Mais c’est parce qu’elle a été cynique. Ce conflit qui se développe n’est pas politique. Il est éthique. Les centaines de milliers de gens qui protestant dans le pays ne sont pas des gens politisés.

 Et en tant que professionnel?

Ses propos et ceux de son équipe sont bien ciblés. On voit bien que Poutine ne cible pas les gens qui sont pour les valeurs démocratiques, mais une couche énorme de la population russe qui a une image du monde formée depuis longtemps par les trois grandes chaînes de télévision nationales. Ces télévisions ont induit dans la tête des gens qu’ils n’ont pas le droit de désirer autre chose que ce que le pouvoir leur impose. Malheureusement, l’image de Poutine répond à ce que veut avoir 70% de la population russe: la nécessité d’avoir un pays bien autoritaire, la certitude que nous nous trouvons au milieu d’ennemis, la conviction que le pouvoir est de provenance supérieure, presque divine.

Les manifestations ont-elles changé le cours de la campagne?

On a vu plus de nervosité dans le comportement de toutes les structures du pouvoir. Le pouvoir n’a plus le sentiment de contrôler toute la situation. C’est inhabituel pour le pouvoir russe! Par exemple, après la contestation des législatives de décembre, Poutine a proposé d’installer des caméras de surveillance dans les bureaux de vote. Toute personne qui connaît comment les élections fonctionnent sait que cela ne sert à rien d’installer des caméras pour garantir l’honnêteté des résultats. Mais la grande majorité des électeurs ne le savent pas.

Poutine à la télévision?

Il n’y a pas de débat. Poutine ne discute avec personne.Mercredi soir, à la télévision, il a pris la parole devant ses personnes de confiance et les représentants du front populaire qui s’est créé en soutien à sa candidature. Et ils ont applaudi.

Se profile-t-il une carrure de chef d’Etat?

Durant cette campagne, Poutine fait la guerre contre ses ennemis, que lui-même invente au fur et à mesure. Une dramaturgie estmise en oeuvre. Il se présente comme celui qui défend la Russie contre les ennemis, tous ceux qui ne partagent pas ses idées. Cela peut-être les EtatsUnis, l’Europe, une partie du peuple russe, et cela lui permet de se présenter comme quelqu’un de courageux, qui n’a pas peur et qui a une carrure.

En même temps, il veut garantir la stabilité. Un bon père de famille?

Dans ma famille, quand ils parlaient, mes parents choisissaient leurs mots. Un bon père doit veiller à l’unité de la famille et à ce que ses enfants soient d’accord.